« Etoiles, Gardes à vous! »
De Robert A. Heinlein - Edition J’ai Lu
(Vo Starship Troopers –
1959)
Quatrième de couverture
Après la grande guerre atomique de la fin du XXe siècle, le monde ne fut plus que chaos et désordre. Pour éliminer les hordes barbares qui s'étaient formées, les survivants durent remettre leur sort entre les mains de l'armée. Un siècle plus tard la civilisation, arrivée à l'âge des étoiles, reste dirigée par les militaires. Dans cet univers, Juan Rico s'engage le jour de ses dix-huit ans dans l'infanterie spatiale. Il ne sait pas quel sort terrible attend les fantassins qui, sur les mondes lointains, vont devoir affronter les armées arachnides…
Starship Troopers (Etoiles, Garde à vous ! en français)
roman de Robert Heinlein, adapté aux écrans de cinéma par Paul
Verhoeven, déjà réalisateur caustique de Robocop, la chair et
le sang, basic instincts... Film de SF militariste,
poussant le vice jusqu’à reprendre les uniformes allemands de la seconde guerre mondiale, entièrement tourné vers le second degré, où
Verhoeven dépeint avec brio l’horreur de la guerre. Il tourne en dérision le voyeurisme
de la presse, et mélange la propagande militaire avec l’ambiance
des sitcoms pour adolescents américains, car c'est avant tout le côté guerre à tout va des américains qu'il tourne en dérision dans ce film. Il est vrai que le surnom
du film « ken et barbie dans l’espace » lui collait
assez bien à la peau.
Mais Starship Troopers est aussi (j’ai envie de dire surtout !) un
roman important (prix hugo) dans la carrière de l’auteur Robert
Heinlein. Cet auteur jouit malheureusement d’une réputation
mal fondée de fasciste poussant la société actuelle à le bouder. Un choix dommageable pour cet auteur comme pour le lecteur
quand on sait qu’il est l’un des seuls auteurs de SF à avoir obtenu
trois fois la récompense suprême : le fameux prix Hugo.
Il est bien évidemment malvenu de passer à côté de Heinlein, peut
être le plus doué de sa génération, sous prétexte de « on-dit »
malheureux et peu fondés. Le paradoxe étant qu'il éxiste une certaine idolâtrie d'H.P.Lovecraft, sympathisant affirmé du régime nazi, qui n’est pas boycotté comme peut l’être Robert Heinlein. Le côté fasciste de ce dernier étant crié haut
et fort à tort. Comme quoi les goûts les couleurs et les
étiquettes… Bref…
Revenons à nos moutons électriques (ah ah ah une pointe d'humour ne fait pas de mal), ou plutôt à nos Starship
Troopers. Le roman est écrit à la première personne et l’on y
suit les aventures de la nouvelle recrue de l’infanterie mobile
Johnnie Rico. Ce dernier s’engage dans la fédération terrienne à
la suite de ses études dans le but de devenir un citoyen. Nous
allons donc le suivre dans son incorporation, formation, vie et
dilemme de soldat, école d’officier pour finir sur le grand final
et la bataille décisive de l’humanité contre les arachnides. On
est loin du film, de Ken et de Barbie dans l’espace, de la
propagande facile et des promotions militaires prises à la volée.
Johnnie Rico est un humain parmi les humains avec ses forces, ses
faiblesses, ses doutes, en cela il est assez proche de nous, et l’on
parvient à s’identifier assez vite à lui. On est assez éloigné
du Johnnie Rico du film, héroïque, arrogant et sûr de lui.
Heinlein commence son roman dans le feu de l’action, Rico est déjà
membre des « têtes dures », il est impliqué dans une bataille contre les squelettes,
alliés des arachnides. Dans le chapitre qui suit, nous faisons un flashback remontant à l’origine de l’engagement
de Rico dans l’infanterie mobile, sa période de classe, sa
rencontre marquante avec l’adjudant Zim. Cette partie de l’histoire occupe
une grosse partie du roman et nous dépeint une période difficile
dans la vie du jeune engagé, cruelle et intransigeante. Ensuite, ce
sera son intégration dans un régiment d’active, puis l’école
des officiers pour enfin finir sur une bataille.
Première grosse surprise donc, contrairement au « vieil homme et la
guerre » de John Scalzi, Starship Troopers souvent cité comme
l’une des références en matière de SF militariste, ne présente
que très peu de combats. C’est même loin d’être le truc
principal du roman. Effectivement, le truc principal du roman ce sont
les pensées, idées émise par le professeur de morale Dubois (celui que joue Michael Ironside dans le film, qui est ici un lieutenant-colonel à la retraite), et
surtout l’enrôlement de notre soldat Rico dans son corps de
l’infanterie mobile.
Alors Facho ou pas Facho ? (hein parce que bon…)
Force est de constater, qu'aujourd’hui le fascisme est un peu utilisé à toutes les
sauces. On entend de tout, un patriote est assimilé à un fasciste, un militariste est un fasciste.
Clémenceau, De Gaulle eux-mêmes pourraient être logés à cette
enseigne, aujourd'hui... Est une conséquence du fait que contrairement à nos grands parents nous n'avons pas connu la guerre? l'invasion? Ceci est un autre débat que monsieur Calvi devrait sans doute arbitrer un jour...
Sorti de cette constatation, Heinlein ne vante nullement le plaisir de vivre dans un monde mené par une main de fer appartenant à un partie unique, raciste et homophobe, il clame plutôt son amour pour les
militaires et l’armée en générale et c'est une très grosse différence.
Comme vous le savez sans
doute (ou pas, sinon wikipédia est votre ami) ce brave Robert Heinlein est entré jeune à l’académie
navale d’Annapolis dont il sort diplômé, sert ensuite dans la
marine où il atteint le grade de lieutenant avant de devoir renoncer
à sa carrière pour cause de maladie (il a attrapé la tuberculose).
Son passage dans l’armée a influencé le reste de sa vie et de ses
écrits, d’où une certaine idolâtrie des règles, des usages, du
don de soi et de la morale (difficilement supportable si on n’est
pas trop fan de l’armée). Toutefois, il se contente de décrire
son « monde » militaire, mais ne s’en sert pas pour
classer les gens, les cataloguer, il fait fi des distinctions
raciales (il n’en est pas question dans le roman, bien au
contraire, exemple : le lieutenant Jellal ou les camarades officiers de Rico). Il s’agit vraiment d’une position d’amour de
l’armée dans son ensemble.
Donc il ne s’agit pas d’un roman teinté de fascisme.
Par contre il a effectivement des positions douteuses quant à la
nécessité de la violence et son usage notamment quand il décrit
les discours du professeur de morale. Je ne m’étendrais pas plus là-dessus,
chacun à ses propres positions ou idées (de droite comme de gauche)
en fonction de ses convictions. Le meilleur moyen de se faire un avis étant de lire le livre. Certains points de vues de cette morale ne sentent effectivement pas très bons mais dans le contexte du roman, vu l'engagement extrême de Heinlein pour la cause militaire, cela peut être mis au crédit d'un jeune Rico un peu naïf et persuadé que c'est la seul solution pour la survie de l'humanité... Bref passons, c'est sans doute dans ces "passages" que certains crieront au fascisme.
Pour en finir avec cela, la société décrite dans le livre n’est elle même pas
fascisante. Le monde extérieur de l’armée dépeint dans le roman
est libéral (les parents de Rico sont très riches et font partis de
l’élite, lui-même étant susceptible d’intégrer Harward sur
recommandation de son père). Bien que la société n’ait pas l’air
démocratique, étant donné que pour être citoyen il faut avoir
prouvé sa valeur en accomplissant son service, sorte de sacrifice
d’une partie de la population au profit de la majorité. C’est
avec ce sacrifice que l’on gagne son droit de vote. Pourquoi pas.
Dans un monde Fasciste, (pensons à l’Italie de Mussolini) le
« droit de vote » ne serait pas possible (le droit de
vote qu’elle idée étrange ?).
Il est bien clamé dans le roman un amour du corps militaire dans son
ensemble, allant du simple soldat à l’officier, des implications
du commandement à tous les niveaux, sorte de vision idéalisée et
extrême du devoir et de la servitude militaire.
Un roman que l’on aurait tord de laisser de côté, d'une fluidité absolue et d'un intérêt certain. J'espère vous avoir donné envie de le lire.
17/20