mercredi 2 janvier 2013

POLARS ET SF - 1ère partie

Bonsoir à tous, 

j'espère que la reprise s'est bien passée? Que vous avez retrouvé vos collègues, familles, amis, etc et que tout le monde était en forme malgré le régime "gras" de la période de fêtes de fin d'année.

Comme premier article, j'ai pensé vous livrer un dossier que j'avais conçu pour le site "le Cafard Cosmique", site consacré presque exclusivement à la littérature SF (Science Fiction) qui a malheureusement fermé en début d'année 2011, au grand regret de ses fans assidus. 

Le dossier en question, d'ailleurs disponible dans les archives du site du Cafard Cosmique, traite des POLARS ET DE LA SF, du mélange du genre, de leurs atomes crochus etc. Je vous le livre ici donc, il sera composé de trois parties dont voici la première, les deux autres viendront avec deux autres posts sur ce blog. 

Je remercie au passage les cafardnautes suivants : monsieur cafard, Pat, Olivier, K2R2, Ubik et Soleil Vert (et tous les autres) qui m'avaient aidé à élaborer ce dossier grâce à leurs conseils avisés. Le site du cafard cosmique même figé, regorge toujours d'informations compilées par des fans de SF et de fantastique et son forum bien que moins fréquenté, est toujours actif. Il est d'ailleurs à noter que celui ci est fréquenté par quelques pointures de la SF comme Gérard Klein par exemple.

Sans plus vous faire attendre, voici la première partie du fameux dossier :


INTRODUCTION :
Polar et SF ont tant en commun ! Considérés longtemps comme des sous-littératures, voire des littératures de gare, ces deux mauvais genres gagnent peu à peu leurs lettres de noblesse. Lire du polar n’est plus une honte depuis que de grands auteurs ont pliés les ressorts du genre à une certaine exigence littéraire et à davantage de profondeur psychologique. Quant à la SF , elle n’est pas encore aussi chic, mais le mépris n’est plus permis depuis que des auteurs comme Philip K. DICK ont obtenu une certaine reconnaissance critique, en partie grâce au succès des adaptations cinéma, en partie grâce à la pertinence de leur questionnement dans le siècle embouteillé de problèmes éthiques [écologie, mondialisation, biotechnologie...] qui est le nôtre. Les deux genres jumeaux, nés simultanément dans les Pulps américains des années 1900 et quelques, avaient toutes les chances de se retrouver... des retrouvailles protéiformes puisqu’elles vont de l’échange de bons procédés... à la fusion totale.


LES PIONNIERS DU POLAR SF
On peut faire remonter jusqu’à Edgar A. POE l’idée que Science-Fiction et Littérature policière sont des genres cousins. Car justement, POE a posé les bases des deux genres. Tout le monde s’accorde à reconnaître à POE la paternité du polar. Avec des textes comme « Double assassinat dans le rue morgue », où un meurtre en apparence aussi incompréhensible qu’irréalisable est résolu par le seul raisonnement d’un personnage, il définissait le principe du récit d’enquête : le meurtre est une énigme à résoudre et le coeur de l’intrigue. Arthur Conan DOYLE en créant Sherlock Holmes ne fit que qu’épurer le trait. Par ailleurs, Edgar A. POE, s’il n’a pas écrit de SF à proprement parler, en est une influence majeure. Certains de ses textes dépeignent des horizons fantastiques et dans le même temps scientifiquement maîtrisés, qui balisent la SF à naître dans les années suivantes. Citons en particulier "Les Aventures d’Arthur Gordon Pym" qui inspireront Jules VERNE ["Le sphinx des glaces"] et Howard P. LOVECRAFT ["Les montagnes hallucinées"]. Bref le grand Edgar a commencé à explorer ces deux sentiers souvent voisins que sont le polar et la SF.

Dès l’âge d’or, des auteurs de SF ont commencé à emprunter les ressorts du polar pour articuler leurs histoires. Ils sont mêmes deux à se disputer le titre de pionniers : Alfred BESTER et Isaac ASIMOV. Tous les deux vont chercher à renouveler le vieux principe du meurtre impossible en situant l’enquête dans des univers futurs.

Dans "L’homme démoli", couronné par le tout premier prix Hugo, lors de la Worldcon de 1953, Alfred BESTER imagine un XXIIIème siècle où de nombreux individus sont dotés de pouvoirs exceptionnels. Du coup, la police emploie des télépathes et il est devenu pratiquement impossible de commettre le moindre meurtre. Pourtant l’homme d’affaire Ben Reich va assassiner son adversaire sans être démasqué par les télépathes de la police... du moins pendant un temps. Dans cette première tentative de mélanger science-fiction et roman policier, BESTER s’intéresse moins à l’enquête elle-même qu’à ses personnages et aux sentiments qui les tourmentent, travaillant au plus près leur profil psychologique.

A peu près à la même époque, Isaac ASIMOV devient aussi un pionnier du polar-SF avec "Les cavernes d’acier", de gigantesques villes sous coupole. ce qui rend ici le meurtre impossible c’est le réseau de communication ultra-perfectionné qui a fait de chaque humain un ermite sans aucun contact avec ses congénères... Là où ASIMOV va plus loin, c’est qu’il met en scène la première équipe de policiers "mixte" entre un humain, Elijah Baley, et un robot, R. Daneel Olivaw. Le principe classique de la paire d’enquêteurs mal assortie se voit ré-inventé à travers le conflit homme-machine. Pour l’anecdote, de nombreux auteurs ont fait ou font aujourd’hui, le passage d’un genre à l’autre : citons Fredric BROWN, ancien détective privé, qui se tailla une solide réputation dans le polar avant de se lancer [pour notre plus grand bonheur] dans la SF, mais aussi plus proche de nous Dan SIMMONS, Michael M. SMITH ou Serge BRUSSOLO. Comme quoi le pas à franchir pour le polar-sf était petit.

LES POLARS D’ANTICIPATION SOCIALE
Spécialité française, le polar d’anticipation sociale est un "vrai" polar, inscrit dans un décor de Science-Fiction. L’intrigue centrale est l’élucidation d’un crime, et la SF sert d’ambiance ou d’environnement. La recette est très simple : pour obtenir un bon polar d’anticipation sociale, vous mélangez environ 70% d’un polar correct et 30% de Science Fiction. Vous secouez le tout sur au moins 250 pages [minimum] et vous servez bien frais avec un peu de coulis de fraise pour relever un peu la couleur.
Roland C.WAGNER auteur mort tragiquement cet été (05 août 2012), officiait en tant que Fat Freddy's Cat sur le forum du Cafard Cosmique. Les cafards ont été chanceux de pouvoir échanger avec vous.
Reposez en paix cher RCW, c'est tout le monde la SF francophone qui s'est retrouvé en deuil cet été suite à l'annonce de votre disparition.

 Vous pouvez obtenir ainsi des œuvres telles que le cycle des « Futurs mystères de Paris » de Roland C. WAGNER : le héros « Temple de l’Aube radieuse » [Tem pour les intimes] est un détective privé un peu spécial, doué du pouvoir de transparence, ce qui lui procure une invisibilité à la fois pratique et... pesante. Tem exerce son métier dans un futur proche dominé par les sectes, résout les enquêtes les plus diverses, aidé en cela par une IA capricieuse et féministe, Gloria, un parrain gourou de secte, et un junkie immunisé à son talent. En grand fan de polar français, Roland WAGNER fait un clin d’œil au créateur de « Nestor Burma », Léon MALLET, dont son détective s’inspire grandement quand il doit prendre des décisions. Roland C. WAGNER se repose sur de vieux clichés du polar parsemé d’ingrédients SF. Par exemple, dans "La Balle du néant", il revisite le vieux thème du meurtre commis dans une pièce hermétiquement fermée, sur une victime ne pouvant techniquement pas être assassinée.

Si vous restez à notre époque, que vous aimez les anti-héros, les ordinateurs intelligents et polars noirs à la française alors vous serez comblés par « Les racines du mal » de Maurice G DANTEC, publié d’ailleurs, dans la Série Noire, une collection consacrée aux polars. Maurice G. DANTEC a frappé fort en découpant son roman en deux, la première partie étant consacrée à la vie quotidienne glauquissime du psychopathe Andréas Schaltzmann, et la deuxième constituant le corps du polar, c’est à dire l’enquête du professeur Arthur Darquandier. Darquandier nous entraîne à la poursuite d’une « secte » interdite, cachée sur Internet que le héros traque avec l’aide de son fidèle « destrier », en l’occurence une « neuromatrice », sorte d’ordinateur révolutionnaire contenant une IA plus que capricieuse.

Toujours en territoire français, parlons un peu du "Travail du furet à l’intérieur du poulailler" de Jean-Pierre ANDREVON : Dans le monde qu’il a imaginé, la santé de la population ne cesse de s’améliorer. Du coup, le problème, c’est de maintenir les grands équilibres. Pour y parvenir, il faut supprimer 400 000 citoyens par an dans l’Hexagone ! Ils sont choisis avec art et méthode par le Grand Ordi, qui chaque matin procède à un tirage au sort morbide. "Le travail du Furet" consiste à liquider, pas forcément en douceur, tous ceux dont la vie doit prendre fin au bénéfice de la communauté. Un boulot comme un autre, en somme. Jusqu’au jour où un certain Furet, grand amateur de films noirs du XXe siècle, découvre sur sa liste le nom de Jos, l’amour de sa vie... Récemment adapté en bande dessinée, ce roman est un classique qui, même s’il a pris un coup de vieux, reste très actuel dans son postulat principal. Si l’on considère le nombre de pays dans le monde qui ont un problème de surpopulation, et qui n’hésite pas à pratiquer des réductions de vie à tout va. Il est cependant dommage qu’un roman aussi intéressant dans sa prise de position ait une intrigue qui s’essouffle si rapidement dès les premiers chapitres consommés. Si vous voulez rester purement dans le polar d’anticipation, il vous faudra tôt ou tard essayer un roman explosif comme "Balles de charité" de Gérard DELTEIL, qui anticipe la logique de ghetto social à laquelle nous sommes confrontés et la démultiplie pour notre bonheur de lecture ou notre horreur de pensée. Du même auteur, on pourra aussi lire "2011", qui imagine les destins croisés de divers personnages dans un Paris en pleine crue, du jeune secouriste à la secte d’allumés [agréable, mais sans plus].

Enfin on peut citer le roman de Harry HARRISON, "Soleil vert", en V.O. "Make room ! make room !". Ce roman nous dépeint notre propre monde, en 2022, toutes les ressources naturelles ayant été épuisées. Seul le soleil vert, sorte de pastille nutritive, parvient à nourrir une population surabondante et miséreuse. Omniprésente et terriblement répressive, la police assure l’ordre. Accompagné de son fidèle ami, un policier va découvrir, au péril de sa vie, l’effroyable réalité de cette société inhumaine. L’enquête policière forme la trame d’un récit qui mène au final à une réflexion sur la surpopulation qui guette la planète. Cette vision de l’avenir reste également très proche de notre réalité, à l’heure où l’humanité commence à s’interroger sur les problèmes d’épuisement des nappes pétrolières ou aquafères. Le fabuleux film éponyme qu’en tira le réalisateur Richard FLEISHER a marqué bon nombre d’amateur de SF.

On sent déjà avec ce dernier exemple que lorsque décorum apporté par la SF influence la trame du récit, le mélange polar-sf tourne à une fusion de plus en plus complexe...

To be continued...
(bientôt la deuxième partie)



1 commentaire:

  1. Polars et SF, un grand amour, à voir le nombre d'exploitation effectuées au cinéma mêlant l'un et l'autre
    bonne continuation et vivement la suite!

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